Imaginez-vous : vos commerciaux signent de plus en plus de clients, et votre MRR new biz augmente à vitesse grand V. Mais en parallèle, beaucoup de clients vous quittent ou passent à un plan inférieur. Conséquence : votre MRR total ne progresse pas comme il devrait. Et chaque année vous perdez des points de croissance.
Dans cette situation, vous devez agir pour réduire le churn et maximiser les revenus de vos clients existants. Le problème : il existe de nombreuses causes, et beaucoup de leviers d’action sont possibles. Pour vous aider, Vincent Gouedard, CEO de Fincome et Nicolas Garmy, CEO de Skalin partagent leurs insights. Continuez à lire pour savoir comment suivre la rétention et l’upsell dans le SaaS, et surtout comment les booster.
📌 Article extrait du webinar "Les enjeux de rétention et d’upsell dans le SaaS" (diffusé le 28/03/2024) ➡️ Accéder au Replay
Quel est l'impact du contexte économique actuel sur la rétention et l’upsell ?
[Vincent] Cela n’a échappé à personne : depuis mi-2022, la situation se tend sur le new biz. D’après une étude du fonds d’investissement OpenView, la croissance new biz 2021-2023 s’est atténuée significativement sur les entreprises SaaS de toutes tailles. En particulier pour les entreprises qui font de 5 à 20 millions $ d’ARR et de 20 à 50 millions $ d’ARR. Il faut trouver des leviers de croissance complémentaires.
L’autre contrat : la part de la croissance qui provient de l’upsell est de plus en plus importante. Elle représente jusqu’à 44 % pour les entreprises de 5 à 20 millions $ d’ARR et approche 40 % pour les entreprises de 20 à 50 millions $ d’ARR. On est dans une situation où l’expansion devient incontournable. En clair, la croissance via l’upsell et la rétention des clients devient plus que jamais nécessaire dans un contexte où le newbiz s’est tendu.
Source : OpenView SaaS Benchmarks Report 2023
Avec quels indicateurs suivre la rétention et l’upsell dans le SaaS ?
[Vincent] On peut suivre le churn de 2 manières :
- Le taux de churn MRR : en rapportant les euros perdus, liés aux désabonnements ou aux downsells, au MRR de début de période. On peut regarder ce taux sur différentes fréquences et sur des périodes prolongées. L’objectif : identifier des phénomènes de saisonnalité intra-annuelle, qui peuvent apporter des éclairages.
- Le taux de churn clients : le nombre de clients perdus pendant la période rapporté au nombre de clients en début de période.
Ce qui est intéressant, c’est que les effets composés du churn peuvent avoir un impact significatif sur l’évolution de l’ARR à moyen ou long terme. Par exemple, avec des taux de croissance de 10% par mois, entre un taux de churn de 0,5 % et un de 3 %, on parle de 44 millions $ d’ARR perdus potentiellement sur 5 ans.
Ensuite, je conseille d'utiliser le NRR (Net Revenue Retention). Cet indicateur évalue la capacité à générer du revenu sur la base de clients embarquée. Pour le calculer, on prend en compte toutes les variations de MRR sauf celles venant des nouveaux clients. C'est-à-dire l’expansion, le churn et la contraction des clients. On va rapporter cela au MRR de début de période.
Si le taux de MRR est supérieur à 100 %, on génère de la croissance sur sa base de clients embarqués. Autrement dit, on arrive à compenser le churn et la contraction par de l’expansion.
Quel est l’intérêt de suivre à la fois le NRR et le MRR ?
[Nicolas] L’évolution du MRR permet de voir comment le business évolue. Cela regroupe plein de réalités : expansion, downsell, new biz… C’est important de suivre tout ça mais cela peut masquer des réalités très différentes. La NRR est un indicateur de santé financière.
La Net Retention est un indicateur important à suivre en complément du MRR ou de l’ARR, qui sont des KPIs de revenus. Si on a une NRR trop faible, cela veut dire qu’il faut se poser des questions sur les fondamentaux. Même si le new biz se porte très bien, si on remplit en permanence une baignoire percée, il y a un moment où cela va poser problème.
[Vincent] Le NRR peut même être un bon indicateur pour objectiver les équipes CS. 2 éléments sont intrinsèquement liés au métier de Customer Success Manager : le churn et la capacité à upseller.
Comment identifier la cause du churn ou du manque d'expansion ?
[Vincent] Je conseille de suivre la rétention et de l’analyser par cohortes, pour détecter des patterns et comprendre l’origine du churn ou du manque d’expansion.
Les cohortes sont des groupes de clients à fréquence temporelle, mensuelle ou annuelle par exemple. Elles permettent de détecter des phénomènes liés à des groupes de clients rentrés à des dates données. Il y a un contexte de marché donné et un contexte interne à l’entreprise, comme des réductions, des plans de communication, des salons, etc…
On peut notamment observer le taux de rétention avec une analyse des cohortes. On va, pour un groupe de clients donnés, mesurer ce taux sur la suite de la séquence temporelle. Par exemple, pour la cohorte de janvier, si le NRR en mois 11 est de 89 %, cela veut dire que pour 100 € de MRR rentrés en janvier, il reste 89 € au mois 11. La cohorte de mars a de moins bons résultats. Pourquoi ? Vous pouvez faire une analyse business pour y répondre.
Analyse de la rétention par cohortes mensuelles
Quels sont les bons taux de churn et de NRR en SaaS ?
[Vincent] D’après une étude portant sur 2022, le taux de churn clients médian est de 13 % dans le SaaS. Ce qui est intéressant, c’est qu’il a tendance à baisser avec la taille des entreprises. Cette corrélation s’explique par le fait que les entreprises de taille plus structurée, qui sont plus matures, packagent généralement mieux leur pricing. Aussi, les engagements de leurs clients leur permettent de maintenir un niveau de churn plus faible.
Source : KCBM & Sapphire Ventures - SaaS survey 2023
Autre élément : la corrélation inversée entre le taux de churn et le panier moyen. Le bon exemple, ce sont les serveurs : on ne change pas tous les jours de solution d’hébergement et cela a beaucoup d’implications très pénibles. Conséquence : le niveau de steadiness est très élevé sur ce type de business.
Concernant le NRR, la médiane de la rétention évolue plutôt à la hausse en fonction des tailles d’entreprise. Autrement dit, la capacité des entreprises de taille plus structurée à limiter le churn et générer de l’upsell est souvent supérieure.
Dernière observation : la contribution de l’upsell à la croissance de l’ARR est plus importante dans les grandes entreprises. Plus on grossit, plus il est difficile de générer du new biz. Les parts d’expansion dans la croissance de l’ARR peuvent monter jusqu’à 45 % pour des entreprises de 50 à 100 millions $ d’ARR.
Quels sont vos conseils pour éviter le churn ?
[Nicolas] Avant tout, il faut un bon produit. Vous pouvez avoir les meilleures équipes CSM et support, si votre produit ne tient pas la route, vous ne pourrez pas avoir de bons taux de churn.
Ensuite, un bon « customer-product fit » est essentiel. Demandez-vous : « est-ce que je vends mon produit au bon client ? » Regardez aujourd’hui avec quels clients cela se passe bien. L’idée est de redessiner le portrait de ses clients pour vérifier que l'ICP (Ideal Customer Profile) réel correspond toujours à l'ICP théorique défini par le marketing ou les Sales. Les lignes peuvent bouger avec le temps.
Aussi, une composante essentielle de la fidélité future de vos clients est la qualité d’onboarding. Il faut que j’arrive à onboarder mes clients rapidement et qu’ils aient vite la perception de la valeur que le produit va leur apporter. Pour preuve : une étude de ChurnRX montre que les clients qui n’avaient pas un usage minimal de la solution dans les 10 premiers jours avaient un taux de désabonnement 10x plus élevé au cours de la 1ère année.
Pensez à centraliser les données sur vos clients. Aujourd’hui, la plupart des CSM possèdent un CRM, où il y a beaucoup d’informations. Peut être que vous y rentrez vos comptes-rendus. Et à côté de ça, vous avez un back-end, avec les informations de connexion des clients, peut-être une situation de ticketing ou de gestion de projet. Dans la majorité des cas, ces outils sont gérés de façon silotée.
Cela crée 3 problèmes :
- Un manque de vision client 360° : si je suis dans une équipe CS, pour vérifier que mes clients vont bien, il faut que j’aille à la fois sur le CRM et sur le back-office, à intervalles réguliers. C’est très chronophage.
- Un manque de proactivité : cette perte de temps fait que les CSM ont toujours un petit temps de retard sur ce qui se passe sur leurs portefeuilles. Du coup, ils se trouvent dans une posture plus réactive que proactive.
- Des opportunités ratées et du churn : cela peut faire passer à côté d’upsells et, dans le pire des cas, vous pouvez recevoir un recommandé de la part d’un client pour arrêter son abonnement.
La solution, c’est de centraliser les données clients. En clair, faire en sorte que les outils communiquent bien ensemble pour avoir toutes les informations au même endroit. Vous pouvez le faire en construisant votre propre Data Warehouse ou dans une CS Platform comme Skalin.
Comment prédire les désabonnements et éviter le churn ?
[Nicolas] Il y a une idée répandue dans le SaaS : « Le Net Promoter Score (NPS) me sert à savoir si mes clients sont satisfaits et à prédire si les clients vont churner ou pas ». Oui, cela sert à savoir si les clients sont satisfaits, mais pas à prédire s’ils vont se désabonner. Les études montrent qu’en réalité il n’y a aucune corrélation entre le NPS et le churn.
Pour savoir si vos clients présentent un risque de churn, il faut mettre en place un vrai score de santé qui va combiner à la fois les données d’interaction avec vos clients avec les usages de vos plateformes, mais aussi avec l’évolution de la valeur du contrat. Il va brasser beaucoup d’indicateurs pour donner une situation réelle de votre client.
Quelles stratégies mettre en place pour favoriser les upsells ?
[Nicolas] Pour créer des opportunités d’upsell dans le SaaS :
- Il faut éviter les produits monolithiques où tout le monde a accès à toutes les fonctionnalités.
- Il est intéressant d’avoir des produits découpés en modules. Ils vont pouvoir faire l’objet de plans. Chaque plan sera une opportunité.
- Il est utile d’ajouter des fonctionnalités premium : ce sont des choses non-incluses dans les plans mais que les clients peuvent activer en option.
Ensuite, évitez les tarifications à l'utilisateur en période de crise. S’il y a des licenciements, moins de gens pourront utiliser la solution. Au lieu de cela, vous pouvez :
- Facturer à l’usage : concrètement, vous avez tant d’invitations dans un package. Si vous en voulez plus, il faut upgrader. Par exemple, Livestorm fonctionne sur ce modèle.
- Limiter les features en fonction du plan : la fonctionnalité est la même mais plus le plan est élevé, plus je vais pouvoir avoir d’étapes ou ajouter des options. En d’autres mots, la fonctionnalité est bridée sur des plans plus petits. Cela peut être un très bon moyen de permettre aux utilisateurs de toucher du doigt la fonctionnalité et de les frustrer juste assez pour leur donner envie de passer au plan supérieur.
- Isoler les fonctionnalités : chez Hubspot par exemple, la fonctionnalité de workflow permet d’automatiser les tâches et les processus, et la fonctionnalité de séquence permet d’envoyer des e-mails. En fonction de votre plan, vous pouvez avoir accès aux 2 fonctionnalités, mais vous êtes bloqué pour que votre workflow puisse déclencher une séquence. Pour cela, il faut passer au plan supérieur.
- Augmenter ses prix : il faut le faire régulièrement. Je vous invite à mettre une clause Syntec dans vos CGV pour indexer vos prix sur un indice Syntec annuel. De façon légale, votre prix augmente selon l’indice d’une année sur l’autre.
[Vincent] Il y a aussi un enjeu très important qu’on observe avec nos clients : la communication. Vous pouvez légitimer des augmentations tarifaires en mettant en avant des évolutions de produits, des nouvelles fonctionnalités ou d’autres paramètres propres à votre marché. Prévoir cette communication à l’avance et anticiper les dates d'évolution des tarifs sont de bonnes pratiques.
Comment organiser ses équipes pour améliorer la rétention et l’upsell ?
[Nicolas] Accompagner le changement interne est important. Le garant du churn est le CEO, ce n’est pas l’équipe CS, même si elle a sa part de responsabilité là-dedans.
Le CEO fixe un cap et doit aligner les équipes autour d’objectifs communs en utilisant les bons KPIs. Je prends un exemple qu’on voit souvent : l’équipe marketing doit apporter un volume de leads, les SDR un volume de rendez-vous… Mais est-ce que ce sont les bons leads ? Les bons rendez-vous ? Après, ce n’est plus le sujet du marketing ou des SDRs, ce qui fait que les sales signent des clients qui ne sont pas forcément « good-fit ».
Les pistes pour améliorer cela sont :
- Tenir compte du « good-fit » dans les incentives des sales : en clair, le commercial est récompensé s’il arrive à signer les bons clients, sur lesquels on a de la rétention.
- Limiter les options offertes au moment de la signature. Si en tant que sales j’offre trop d’options, je coupe l’herbe sous le pied de ceux qui arrivent derrière, les CSM et les AM. Limiter ce type de remises permet de travailler de l’upsell plus tard.
Par ailleurs, je pense qu’il faut former les CSM à la vente. L'objectif est qu’ils puissent être à l’aise et qu’on leur apprenne à poser des bonnes questions pour susciter des envies d’upgrade chez le client. Une expression que j’aime bien : l’objectif du CSM n’est pas de vendre mais de donner envie d’acheter.
Enfin, je conseille de désiloter les équipes. Pourquoi ? Les équipes CS sont souvent rattachées aussi à une autre direction que les ventes, du coup on risque de ne pas tirer dans la même direction. Une façon d’aligner les équipes peut être de les rattacher à une direction commune, avec la mise en place par exemple d’un CRO (Chief Revenue Officer), responsable de toutes les fonctions revenues.
Pour aller plus loin :
- L’art de vendre pour un Customer Success Manager
- Comment définir une politique d'incentive efficace pour son équipe CS ?
- VC-backed vs. Bootstrap : le Benchmark des KPIs SaaS
- Benchmark : qu’est-ce qu’un “bon” taux de Churn en SaaS B2B ?
- Quelques clés pour booster sa Rétention Nette