Segmenter son portefeuille permet de mieux cibler les attentes des clients, adapter son organisation et optimiser les moyens alloués à chaque segment. Quels sont les critères à utiliser ? Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque méthode ? Les conseils de Francesca Bonavita - VP Customer Success, pour mettre en place une segmentation client efficace.
La segmentation, outil indispensable de la relation client
Pourquoi mettre en place une segmentation client ?
La segmentation consiste à rassembler les clients en fonction de critères qui vont avoir du sens pour votre organisation, dans le but d'obtenir des groupes ayant des caractéristiques communes. Cela permet d'avoir des segments de clients homogènes et facilite ainsi le suivi.
Les équipes Customer Success vont ainsi gagner en efficacité et être capables de mesurer les efforts à apporter à chaque typologie de client tout en préservant les indicateurs tels que le taux de churn ou le MRR.
Cela permet d’avoir une meilleure compréhension de sa base client et d’en donner une vision claire aux autres services et à sa direction. Cela donne également des clés de lecture pour comprendre les offres qui fonctionnent (et celles qui fonctionnent moins) pour chaque profil de client.
En bref c’est un outil clé pour faire plus avec moins, gagner en sérénité et promouvoir ses actions en interne !
N'attendez pas pour segmenter votre portefeuille !
Quel que soit le volume de clients, définir des critères de segmentation objectifs dès le début (secteur d’activité, taille d’entreprise, zone géographique, produits achetés…) est une des clés de succès. Il n’y a pas de raison de ne pas commencer tout de suite ! A partir du moment où vous n’avez plus la possibilité d’agir au cas par cas ou dès que votre équipe s’agrandit, cela deviendra de toute façon indispensable.
Vous pouvez également travailler avec votre directeur commercial pour comprendre comment lui-même a segmenté son TAM (Total Adressable Market) et comment les commerciaux répartissent leurs efforts sur les ventes. Il y a tout à gagner à s’aligner sur leur approche et à comprendre sur quelle typologie de clients les ventes ont le plus de succès. Cela permettra d’avoir une première idée de critères importants pour votre marché, auxquels votre entreprise et votre produit répondent avec plus ou moins de succès. Ainsi vous pourrez anticiper les profils de clients qui vont entrer massivement ou de manière plus occasionnelle dans votre portefeuille, et s’il sera plus ou moins aisé de faire matcher leurs attentes avec votre offre.
De plus, la segmentation peut se faire à tous les niveaux, que vous soyez en charge de toute la base client ou d’une partie du portefeuille, segmenter votre scope est un outil clé pour comprendre, anticiper et positionner votre effort au bon endroit pour atteindre vos objectifs.
Si vous êtes en charge d’une équipe, cela vous permettra aussi de répartir les portefeuilles de manière efficace et équitable. Si vous être CSM en charge de votre propre portefeuille, vous pouvez déjà analyser votre typologie de client et les classer sur quelques critères simples qui vous aideront à prioriser vos actions au quotidien.
Comment mettre en place une segmentation client ?
Les types de segmentation sont nombreux. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise méthode tant que cela répond à vos enjeux Business !
J’ai choisi aujourd’hui de faire un focus sur 3 types de segmentations :
- Par revenus ou niveau d'offre (l’approche protection)
- Par verticale, produit ou géographie (l’approche spécialiste)
- Par maturité ou potentiel (l’approche développement)
#1. Par revenus ou niveau d'offre (l’approche protection)
Comment : le plus facile est de répartir votre base sur 3 tiers en fonction du niveau d’ARR ou de MRR (Gros - Moyens - Petits) avec une règle 20% - 40% - 40%, ou par niveau d’offre (ex. Freemium / Access / Enterprise).
✅ Avantage : cette segmentation est facile à mettre en place et elle vous permet de savoir très facilement sur qui investir vos efforts pour conserver un taux de churn dans vos objectifs. En effet, il est plus rentable de défendre 1 gros client que 10 petits. Elle est efficace et nécessaire pour vos enjeux de protection.
⚠️ Inconvénient : elle permet d’avoir la vue sur la valeur d’une base client à date mais permet pas d’avoir la vision de son potentiel. Elle n’est pas suffisante pour vos enjeux de développement. Elle n’est pas efficace si vos clients n’ont pas d'écarts de MRR très importants ou si vous pilotez le churn en nombre de références.
#2. Par verticale, produit ou géographie (l’approche spécialiste)
Comment : établissez des critères objectifs et répartissez votre base sur différents segments (exemple pour les verticales : Banque / Media / Retail / Services / …) ou en fonction de votre typologie de produit. C’est à dire en fonction de critères qui vous permettent d’avoir des segments homogènes avec des attentes identiques.
✅ Avantage : vous pouvez construire un accompagnement spécialisé avec des benchmarks et du contenu pertinent pour chaque segment. Vous pouvez ainsi accroître votre connaissance de l’environnement de vos clients, de ses KPI et enjeux clés et adapter vos business reviews pour qu’elles soient plus pertinentes. Vous pouvez spécialiser un CSM sur un produit et répondre de manière plus précise aux attentes des clients et proposer une utilisation optimale de la plateforme. Vous pouvez recruter des CSMs qui parlent la langue de votre client, connaissent les enjeux relatifs à la zone géographique et savent adapter votre proposition de valeur aux contraintes locales.
⚠️ Inconvénient : attention à la scalabilité de l’organisation. Plus vous segmentez sur des critères qui génèrent de la spécialisation, plus vous aurez besoin de spécialistes. Si vous croisez plusieurs critères (par exemple secteur + produit + géographie) cela peut devenir un vrai casse-tête, vous rendre focus sur les objectifs de vos clients et vous détourner des vôtres.
#3. Par maturité et potentiel (l’approche développement)
2 étapes sont nécessaires :
- Etablir un score de maturité de l’entreprise (par exemple : a t-il déjà mis en place un outil comme le vôtre ou est-ce la première fois qu'il s'équipe, taille de l’équipe qui va prendre en charge votre produit, a t-il choisi dans votre suite des modules simples ou plus complexes…). Plus un client est mature, plus il a de chances de devenir un power user de votre solution et d’en exploiter tout le potentiel, et donc de faire de l’upsell. Encore faut-il qu'il ait la capacité d'investir, donc le potentiel...
- Croiser la maturité et l’ARR pour calculer un score de potentiel. Il peut être intéressant de comparer le chiffre d’affaires ou la taille de l’entreprise au montant payé par le client. En effet, une grosse entreprise avec un petit ARR pourra avoir du potentiel, même si elle est peu mature, là où une petite entreprise avec un gros ARR, même mature, risque d’être au maximum de ses capacités d'investissement. Le nombre de collaborateurs vs. nombre de licences peuvent également être pris en compte pour estimer ce potentiel, tout comme le nombre de fonctionnalités souscrites vs. le nombre de fonctionnalités disponibles.
✅ Avantage : C’est la segmentation la plus à meme de répondre à vos enjeux d'équipe et business. Vous pouvez dès le début adopter votre approche d’onboarding et anticiper le niveau d’attente de votre client. Vous pouvez optimiser la répartition des profils de votre équipe (un senior s’occupera des clients matures alors qu'un junior pourra rapidement apporter de la valeur aux clients débutants). Un client n’est plus uniquement un MRR à défendre, il dispose d’un critère plus long terme avec une vision de potentiel qui vous permet d’investir non pas uniquement sur les gros clients mais aussi sur les clients les plus prometteurs. Votre équipe sera également plus à l’aise en adaptant son discours et en apportant plus de valeur sur le même temps imparti.
⚠️ Inconvénient : Ce n’est pas facile d’établir des critères de maturité objectifs. De plus, une entreprise peut être mature selon vos critères et votre interlocuteur peut être débutant. Il faut donc pouvoir s’adapter rapidement. Enfin, un client peu mature demande souvent plus de temps car il reporte sur l’équipe CSM le manque de connaissance et de ressources chez lui. Il faut donc faire attention à équilibrer l’effort.
Faire vivre sa segmentation
Démarrez avec une segmentation simple
Si un segment ne représente pas une part importante de votre business, il faut mesurer l’effort que vous allez y mettre. Plus vos segments sont petits et spécialisés, plus vous risquez d’avoir un enjeu de scalabilité et plus vous risquez de vous perdre dans la compréhension de votre base client. A l’inverse si un segment est trop gros il ne remplira pas son rôle et vous retomberez dans une approche de masse.
Partez sur une segmentation simple (3-5 segments), puis affinez.
De même, si vous partagez votre segmentation avec votre directeur commercial, vous pourrez anticiper la croissance de vos segments, affiner votre segmentation et anticiper vos recrutements.
Faites évoluer régulièrement votre segmentation
Une fois que vous aurez gouté à la segmentation, vous ne pourrez plus vous arrêter et donc croiser plusieurs segmentations va devenir un réflexe. Attention à ne pas trop croiser au risque de créer des segments trop petits !
Cela dépend également de votre offre produit (est-elle homogène ou hétérogène ? comment va-t-elle évoluer ?), de votre expansion sur de nouveaux marché ou de nouveaux secteurs, des objectifs de vente (les nouveaux clients seront-ils répartis sur vos segments de manière uniforme ? ou a contrario l’effort commercial et marketing va être mis sur un segment en particulier ?), etc.
De manière générale, il est sain de challenger sa segmentation une fois par an et de valider son efficacité, en analysant par exemple le taux de churn ou le MRR par rapport au temps passé.
Adapter le plan de suivi pour chaque segment de client
Une fois que vous savez où mettre l’effort, vous pouvez adapter la méthodologie d’accompagnement en jouant sur :
- le temps passé (High-Touch vs. Low-Touch),
- la nature d’expertise attendue (Produit vs. Métier vs. Technique),
- et le niveau de maturité (Débutant vs. Expert).
Exemple, votre entreprise dispose de 3 offres (Access / Standard / Premium) dans 3 secteurs d’activité (Banque-Assurance / Retail / Food) :
- Les clients Access sont suivis Low-Touch avec un profil Growth qui pourra les faire grandir à travers des programmes automatisés, des webinars, etc.
- Les clients Standard et Premium peu matures sont gérés en Mid-Touch avec un profil junior focus sur l'adoption produit et capable de faire monter le client en compétence sur les fondamentaux.
- Les clients Premium matures Banque-Assurance sont suivis en High-Touch par un senior Expert qui connait les enjeux particuliers de ce secteur sur lequel il n’est pas facile de créer de la valeur.
- Les clients Premium matures Retail et Food sont suivis en High-Touch par des CSM consultants car les secteurs se ressemblent et ne nécessitent pas une expertise accrue.
En conclusion, une bonne segmentation tient compte des enjeux business de votre entreprise, elle doit servir sa stratégie et vous aider à atteindre vos objectifs. Elle tient compte de caractéristiques qui doivent vous aider à mieux comprendre vos clients pour savoir où mettre l’effort et adapter les compétences attendues par votre équipe. Cela permet de rendre claire et efficace une stratégie de portefeuille. Chaque segmentation est unique et se challenge régulièrement. Et maintenant, à vous de jouer !
Pour aller plus loin :
- Baisser son churn de 50% grâce à l'analyse de sa base client
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- Gérer 1700 clients à 4 CSMs grâce aux Playbooks
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