Après des mois d'efforts, les équipes de vente sont enfin récompensées par la signature d’un nouveau contrat. On se réjouit et on célèbre ce nouveau logo. Si cette phase d'acquisition revêt une grande importance, elle ne représente que le début d’une collaboration qui doit être entretenue et développée sur plusieurs années.
Les équipes “post-sales” vont maintenant entrer en action. Le temps est donc venu d’assurer une passation de compte (du moins, d’informations) auprès de ces équipes. Bien souvent, on utilise le terme de “Sales Handover” pour évoquer cette passation.
Dans cette interview, Christophe Labreuse, Senior Business Consultant chez SuccessFocus Consulting, nous livre quelques clés pour un Handover réussi.
Pourquoi est-il important d’assurer une passation entre Sales et CSM ?
Tout changement d’interlocuteur dans la relation client présente un risque. Le réduire au maximum est primordial. L’un des premiers objectifs de cette transition est de permettre un transfert d’informations et donc un bon (re)alignement entre toutes les équipes internes.
Durant le cycle de vente, le client a exprimé des challenges, des attentes (bénéfices, valeur, ROI...) et des contraintes (délais, budget...). Les équipes de ventes ont, de leur côté, identifié des opportunités ou des risques, qu'ils soient ou non partagés avec le client.
Le problème est que les équipes CSM n’étaient pas incluses à ces discussions et qu’elles ont désormais besoin de se préparer, de bien appréhender le contexte afin de délivrer la valeur attendue dans les meilleures conditions.
Au delà des objectifs exprimés par le client, cette passation de dossier peut être l’occasion d’évoquer proactivement des objectifs futurs et critiques identifiés par l’équipe commerciale cette fois-ci, par exemple, en terme d’expansion (upsell/cross-sell).
En résumé, ce vrai travail d’équipe va permettre de consolider les éléments clefs, de les mettre en commun et ainsi de préparer efficacement le Kick-Off et/ou l'onboarding du client. Ce dernier appréciera cette expérience client “sans couture” et cohérente : sa satisfaction passe notamment par le fait de voir son dossier documenté et partagé auprès des différentes équipes.
Enfin, le Sales Handover peut servir de socle aux futures EBR/QBR, permettant de mesurer les progrès et les avancées du client dans son usage de la solution.
Peut-on effectuer cette passation en s’appuyant uniquement sur le CRM ?
Si vos équipes Sales sont très disciplinées, tant mieux. On peut espérer alors qu’un maximum d’informations aient été documentées et attachées au dossier client de votre CRM. D'expérience, il s'agit déjà d'une hypothèse optimiste !
Même si on admet que toute l’information soit accessible , j’ai souvent constaté que l’on ne lisait pas attentivement, ou on ne comprenait pas bien le contexte, notamment si le volume de données partagées était devenu trop lourd.
C’est la raison pour laquelle je préconise l’organisation d’une réunion permettant à l’équipe sales de résumer oralement le dossier client et aux participants de poser toutes les questions de compréhension utiles. Ainsi, les malentendus seront levés et les problèmes éventuels de manque d’informations identifiés et résolus.
Comment se présente le process de passation ?
Ce “Sales Handover” est un évènement purement interne qui intervient juste après la signature du contrat et avant la phase d'onboarding ou de Kick-Off.
Personnellement, je recommande de mettre en place un template, sorte de checklist permettant d’aborder tous les éléments majeurs, tout en laissant suffisamment de flexibilité dans l’échange d’informations. Le pragmatisme doit primer.
A titre d’exemple, la méthologie “Winning By Design” préconise de traiter a minima 5 groupes d’informations, connus sous l’acronyme SPICED, facilitant ainsi les transitions entre équipes :
- Situation: qui est le client ? Comment le décrire ? Quelle est leur activité ? etc.
- Pain: Quels sont les challenges et les difficultés exprimés ?
- Impact: Quelle Valeur est attendue par le client ? Les Bénéfices ? Pourquoi a-t-il choisi notre solution ?
- Critical Event: Quel est l’urgence ? Le timing ?
- Decision : Comment sont prises les décisions ? Quels sont les Decision Makers et autres Personas ?
Vous l’aurez deviné : la durée de cette réunion dépendra de la complexité de votre offre et de la solution vendue.
Comment s’assurer que la passation Sales - CSM s’effectue systématiquement ?
Excellente question ! Il s’agit bien là d’un challenge en réalité…
Le seul moyen consiste à conditionner la mise à disposition des ressources (CSM, ouverture de compte, etc.) à l’exécution du “Sales Handover”. Sans Sales Handover correctement exécuté - et pas seulement planifié, on ne passe pas à l'étape suivante (ex: Onboarding).
Par expérience, les demandes d’exception sont légion quand on décide de mettre en place ce process. Ces demandes doivent être rejetées, mais analysées pour comprendre ce qui doit être changé ou amélioré.
Quelles sont les personnes à impliquer dans le Sales Handover ?
La réunion et les documents s’y référant sont à préparer par l’équipe Sales, par exemple le commercial et les consultants avant-vente (Solution Consultant).
Les “invités” et contributeurs peuvent ensuite être regroupés en deux catégories:
- les participants requis (obligatoires), comme le chef de projet, le(s) consultant(s), le CSM assigné au client.
- les participants optionnels, en fonction de la criticité du client, tels que le responsable juridique, un représentant du Product Management (au cas où des engagements R&D aient été pris durant la vente).
Quels sont les critères de succès d’un Sales Handover ?
Clairement, rendre le Sales Handover obligatoire ne suffit pas pour en faire un succès. Ce serait presque trop facile et en réduirait la valeur attendue.
Tout d’abord, le support total du Top management, en particulier du Sales Director/CRO, est primordial. Ce sponsorship attenue nettement le nombre de demandes d’exception.
En complément, et pour maintenir le momentum et rendre le Sales Handover légitime, j’ai identifié quelques facteurs de succès :
- En premier lieu, un cycle de vente déjà bien structuré et documenté, basé sur des bonnes pratiques connues de l’ensemble des équipes, afin de ne pas partir sur des approches exotiques et trop personnalisées.
- Un outil permettant de collecter et de partager l’information client (CRM, éventuellement couplé à une solution de Customer Success), ce qui permettra de préparer rapidement et de manière consistante le process de passation.
- Une checklist complète mais pertinente consolidant les principales informations en se focalisant sur les éléments permettant de délivrer les impacts et la valeur attendus par le client.
- Une réunion courte, synthétique et efficace, adaptée aux enjeux et au contexte du client (on peut d’ailleurs faire intervenir la notion de “segmentation client”) et qui donne lieu à d’éventuelles décisions et un plan d’actions.
- Enfin et surtout, que les sales trouvent de la valeur dans cette passation (et dans ses effets), en comprenant et en obtenant les bénéfices court/moyen terme. Ils doivent être convaincus que le temps passé sur cette passation représente un gain inestimable pour le futur.
Peut on se passer de cette étape de passation ?
Encore une fois, ma réponse est basée sur mon expérience personnelle.
Je te répondrais que oui, il est envisageable de ne pas mettre en place de Sales Handover lorsque la solution vendue est très standard et packagée, et quand toute l’information a été structurée et se trouve dans les systèmes d’information collaboratifs de l’entreprise. Inutile alors de prévoir une passation sous forme de réunion spécifique. Le process est alors 100% automatisé et industrialisé ce qui constitue un gain de productivité énorme et surtout nécessaire quand on parle d’un GoToMarket PLG (Product Led Growth) ou small & medium business (impliquant un volume de transactions important).
En tout état de cause, qu’elle soit automatisée via des outils ou “humaine”, cette passation constitue un moyen de renforcer ses process et de contribuer à réduire l’effet de silo qui est un des principales frustrations identifiées dans les entreprises.
Un dernier conseil ?
Pour reprendre la célèbre expression de Montesquieu: “le mieux est le mortel ennemi du bien”. Soyez pragmatique, faites simple mais soyez discipliné. Inutile d’être trop ambitieux si au final, vous abandonnez le process au bout de quelques semaines.